Bon, aujourd'hui ce sera long... Je ne sais pas si vous pourrez tenir jusqu'au bout... Je me lance.
Aujourd'hui, préparation de Toussaint oblige (oblige, je m'entends), l'Homme et moi avons passé beaucoup de temps à discuter dans la voiture. (Pour voir la famille, il faut deux heures aller, deux heures retour, et solidement remplies de bla, et de bla, et de bla).
A l'aller, nous avons échangé sur l'adoption. Faut que ça se fasse, ces choses-là, et même parfois que ça se heurte.
Chose plutôt rare à la fin de la discussion, je crois que l'on s'est profondément compris et que la vision de l'autre a profondément amélioré la nôtre. Je m'explique.
La première partie du débat portait sur la nécessité pour l'enfant de connaître ses parents biologiques. Chez nous, pour adopter un enfant du pays, on passe par l'Office National de l'Enfance, qui accorde une place primordiale aux parents biologiques (sur leur site, quasi plus qu'aux adoptants). Cela m'avait profondément heurtée, et depuis que la démarche s'est mise en place dans ma tête, j'avais éliminé d'office cet organisme-là pour cette raison.
L'Homme, qui bosse dans un centre pour jeunes en souffrance, a d'abord rectifié assez pertinemment mon point de vue : je pensais "du côté maman" uniquement.
Il rencontre régulièrement des ados adoptés en crise profonde, non parce qu'ils en veulent à qui que ce soit, mais parce qu'ils sont dans une recherche de sens qui ne trouve pas de réponse. Un deuil qui ne peut pas se faire.
Sa position est donc plutôt de tout faire pour pouvoir offrir à notre enfant des racines (nous), mais également une réponse, même difficile, à la question de l'origine.
Je résume mal, mais j'ai ressenti physiquement un franc qui tombait dans ma cervelle noyée par la peur que mon (potentiel) futur enfant me quitte...
De son côté, il a compris mon empressement à commencer des démarches : j'ai toujours voulu adopter, et je ne souhaite pas que l'adoption soit "une solution si le reste ne fonctionne pas". Je voudrais vraiment intégrer la demande d'adoption au milieu de notre démarche de désir d'enfant... Et j'ai vu le franc tomber chez l'Homme...
Au retour (normal, je venais de faire la tournée des tombes), j'ai compris pourquoi la question de la maternité était un tel défi pour moi. Je m'explique.
J'ai perdu ma maman tôt (d'où ma passion pour la cuisine, lien logique par ici ).
Ma maman, outre l'effet positivant évident de sa disparition, était un être vraiment à part. Atteinte de polyo à la fin de la guerre, elle n'a pas été très bien soignée et en avait donc gardé une paralysie modérée du visage et une scoliose quasimodesque. Ce qui ne l'a pas empêchée, même venant d'un petit village où le rôle de la femme se limitait à chercher un mari à qui cuisiner des plats en sauce, d'étudier la géologie et d'être à tous les fronts (festifs et intellectuels) jusqu'à 36 ans, âge où elle a pris de front mon éducation (dont je n'ai pas eu assez le temps de la remercier).
Voilà déjà un sacré défi à relever : même en 2010, sans souci de santé, être ce qu'elle a pu être dans les années 70.
Deuxième défi : ma marraine. Epouse d'un artiste illuminé, elle est devenue veuve à 30 ans : son mari, schizophrène, s'était asphyxié. Elle lui est restée fidèle, n'a jamais eu d'enfant, et a pris au départ de maman une relève dont peu se montreraient capables.
Malheureusement, elle n'a pu le faire que pendant un an, terrassée en quelques jours par un crabe qui lui dévorait la matrice. Quand je choisirai une marraine, qu'elle sache à quel point je lui fais confiance...
Troisième défi, et non des moindres : Mamamy, qui n'est pas ma grand-mère, mais ma nounou. Au décès de maman, elle est devenue ma tutrice. Pour mes 17 ans, parce que la vie avec mon père et mon frère (il est handicapé et noie le chagrin de s'en rendre compte dans de la mauvaise bière) devenait difficile, je suis partie vivre chez elle. Elle a ramassé les morceaux, les a recollés avec amour et patience dans une gratuité sans faille.
Il faut dire qu'elle a consacré sa vie à aider tous les bras cassés du coin, à élever ses quatre enfants dans l'idée que tout pouvait arriver par l'amour, et tous, à 30 ans passés, c'est dans ses bras qu'on allait chialer.
Elle disait que j'étais sa fille avec un profond respect pour ma mère.
Nous avons appris qu'elle allait mourir au moment où nous lui apprenions que nous allions nous marier. La vie, la mort, l'amour.
Tout ça pour vous dire que devant chaque tombe, je me suis juré que par respect pour l'immense amour que j'avais reçu triplement, je me consacrerais corps et âme à transmettre ce qu'elles m'avaient appris.
Je ne renoncerai jamais à être mère.
Si vous avez tenu jusqu'ici, bravo.
Sinon, demain, promis, un dessin humoristique : ça devrait pas louper, demain c'est Clomid party.