Dimanche 1er juin.
C’est la DPA. Une date qui finalement, ne restera pas dans les annales… C’était la date de naissance d’un Grand Méchant Ex, je m’étais tue mais je suis un peu soulagée, même si l’impatience monte…
Soleil, brocante, ma grande qui danse seule devant un concert – c’est bien la mienne…
Achats en tous genres, bonheur. Je marche, et marche, et marche…
C’est pour quand ? Pour aujourd’hui…
Lundi 2 juin.
On dirait que je vais avoir mes règles, petite douleur sans importance…
Jazz a rendez-vous pour la Grande Elimination de Poils Annuelle ; pendant ce temps je marche, et je marche, et je marche sous le soleil de la ville… Je ne le sais pas, mais je reviendrai dans le quartier ce soir, c’est celui du parrain d’A.
Après-midi sieste, quelques petites douleurs.
Rien de comparable avec celles d’A., donc je patiente…
L’Indien part au boulot, il doit faire la tranche 16-23h. Il ne la terminera pas…
Par sécurité, j’appelle le Parrain d’A. pour qu’il vienne souper à la maison.
À 16h04, une belle contraction me plie. Mais ce n’est toujours pas de la douleur…
Je commence à noter les intervalles.
Ils sont réguliers, déjà, toutes les 8 minutes. J’hésite : 8 minutes pour un deuxième, c’est court. Mais ce n’est toujours pas violent…
On s’amuse à noter, et à partir de 17h, c’est toutes les 6 minutes. Je commence à ne plus pouvoir parler pendant – drôle de sensation, enfermement sur moi mais sans réelle souffrance… Je file prendre un bain chaud et ça s’arrête. Bah, si ça s’arrête…
18h30, je vois que mes invités paniquent un peu. Tant pis, j’appelle l’Indien. Il est en surveillance d’étude et j’entends « ses » jeunes hurler de joie… Il sera là en 20 minutes.
On partage un repas, c’est étrange, il y a moins de contractions… On décide quand même de partir à la maternité et de déposer A. chez son parrain pour la nuit. « S’il ne se passe rien, on la reprend à 8h demain… »
Arrivée à la maternité à 20h45. Sur le parking, je tombe à genoux sur une contraction… mais je dis quand même que je n’y crois pas, que ce n’est toujours pas cette douleur-là… Je dis juste à l’accueil « Bah, j’espère que c’est pour aujourd’hui… »
Il n’y a pas beaucoup de monde, l’ambiance est sereine là-bas…
On m’ausculte, je ris, je dis que j’ai surtout peur de la perf’, prenez soin de moi J
En fait, je suis à… 5-6 cm.
Toute seule.
Pendant que la vie se faisait tranquillement…
Je rentre en salle d’accouchement (même salle pour le travail et l’accouchement, ici) et rencontre notre fée, Myrtille, la sage-femme qui sera avec nous pendant tout le voyage. J’aurai du mal à croire ensuite qu’elle s’occupait d’autres femmes. Elle a été disponible, à l’écoute, drôle… Parfaite.
On appelle mon gynéco, mais il donne une info sur les FIV trois étages plus bas… Ne le pressez pas…
Il arrive une petite heure plus tard… « Je vous l’avais dit ! »
Il se souvient de tout ce que j’ai demandé, de tout ce qui me faisait peur, de mon rapport à la péridurale : gérer une souffrance animale, je veux le faire (d’ailleurs on dirait bien que je l’ai fait !), ne plus me souvenir que de la souffrance, je ne veux pas le faire.
Je gère les contractions suivantes en chantant (ça fonctionne vraiment bien le chant). Myrtille me dit de passer dans les graves pour que bébé descende… Et elle descend…
J’ai eu, dans toutes les contractions, une fois mal. J’ai dit une fois « aïe » entre les Ohmmmm. Et je me suis dit « non. Gagne ». Et j’ai gagné.
Mardi 3 juin.
Blanche est mal positionnée et, sur les contractions, je suis à 7-8cm.
Il va falloir percer la poche (je la sens, la différence avec ou sans eau !!!) et la suite devrait aller très vite, la douleur sera sans doute très fulgurante.
Alors, Madame, je vous percerai la poche des eaux quand l’anesthésiste sera passé.
Souvenir d’A. : l’anesthésiste, le méchant, la sage-femme qui me tient fort et m’engueule, le nombre de piqûres, la fatigue dont il parlait dans mon dos… Je n’ai même pas vu son visage…
Ce soir, l’anesthésiste se présente à moi. Nous parlons de mes craintes, je lui demande de cacher le matériel. L’Indien se met face à moi devant la fenêtre pour que je ne voie aucun reflet. J’entends dans mon dos « ils sont mignons, c’est gai… » Et je me dis qu’on va le rester, qu’on va essayer…
Myrtille me serre fort dans ses bras et caresse ma nuque aux piqûres… Je n’ai pas mal, pas du tout…
Nous attendons un peu, la péri ne passe pas à gauche. L’anesthésiste revient, nous en parlons, il m’explique tout et répare l’erreur.
Je me rappelle celui qui ne croyait même pas que ça ne passait pas…du tout…
Maintenant tout va bien… Mon DocM revient percer la poche, ça va vite…
Je suis assise, je ris, je plane un peu, je revis déjà tout ça qui s’est passé si bien… qui se passe si bien…
Le cœur de Blanche bat au même rythme depuis le début, pas un sursaut, nous voguons ensemble…
Myrtille envoie DocM dormir un (tout petit) peu, me place comme je l’ai demandé en position physio pour que Blanche puisse se retourner naturellement.
A gauche, à droite… A droite et en cinq minutes, je la rappelle. Je crois qu’elle est là… Et elle est là, tout près…
Ne poussez pas avant que le DocM arrive !
Il vient.
Il prend ma main et je sens les cheveux de ma fille, si près… Je pleure enfin, ma bulle éclate…
J’ai poussé 5 fois.
Environ 3minutes.
Jusqu’à 01h49, deux cris, mes premiers mots : « Elle ressemble tellement à sa sœur ».
Et tout l’amour que je craignais de ne pas ressentir m’a foudroyée.